Henri IV et la Province du Maine
Mars 2022
Les citations, les mémoires sont des témoignages posthumes légués à la postérité.
Mais que nous reste-t-il de Henri IV ? Lorsque l’on parle de Henri IV,
on pense immédiatement à la Saint Barthelemy…
Rappelons rapidement ces évènements…
Les faits
Dans la nuit du 23 au 24 Aout 1572, entre deux et trois heures du matin, la cloche de Saint Germain l’Auxerrois, se met à sonner à toute volée. (tenant lieu d’office des messes en 2022, en remplacement de la cathédrale Notre Dame de Paris qui doit se reconstruire à l’identique…)
Des hommes armés pénètrent aussitôt chez l’Amiral de Coligny. C’est le signal du massacre. Mais, aux gens chargés par Catherine de Médicis de faire disparaître les chefs qui contrecarrent ses projets, se joint bientôt la populace parisienne, qui tue, pille et insulte quiconque est soupçonné de protestantisme, et le carnage se poursuit jusque vers midi. Les jours suivants, sur un ordre venant de Paris, des massacres ont lieu en province, à Meaux, Orléans, à Troie, à Tours, à Angers, à Rouen, à Lyon…
Dans beaucoup de villes, cependant les gouverneurs catholiques refusent d’exécuter les ordres venant de Paris (comme au Mans par exemple) et ils répriment la populace qui veut faire un mauvais parti aux protestants. Cet évènement a été fréquemment évoqué contre l’Eglise catholique. On l’accuse en effet d’avoir été l’instigatrice ou du moins la complice de la Saint-Barthelemy.
On invoque surtout contre elle le fait qu’à l’annonce du massacre, le pape Grégoire XIII fit chanter un Te Deum et frapper une médaille commémorative.
Là, une mise au point s’avère nécessaire…
Le simple rappel des faits suffit à démontrer que dans la Saint-Barthélémy on se trouve uniquement en présence d’un crime politique, dont la seule responsable fut Catherine de Médicis.
On connaît la politique de la reine-mère : maintenir son influence sur le jeune roi Charles IX et contrecarrer les ambitions des Guise en pratiquant une politique de bascule entre huguenots et catholiques.
Or en 1572, les protestants deviennent puissants à cause de l’ascendant exercé par leur chef, l’Amiral de Coligny, sur Charles IX, et ils menacent d’entrainer la France dans une guerre contre Philippe II pour venir au secours des protestants des Pays Bas. Catherine veut au contraire la paix avec l’Espagne, et, se rapprochant des Guise, elle décide suivant les principes machiavéliques qui l’inspirent, de supprimer Coligny « pour raison d’état ».
Le 18 Aout, on célèbre à Paris le mariage de Henri de Navarre et de Marguerite de Valois. De tous les coins de la France, les gentilshommes protestants sont accourus pour la fête. Le 22, Coligny est l’objet d’un attentat. Il échappe. Les protestants, furieux, circulent, menaçants, dans la ville. Effrayée, Catherine se décide à tout avouer au Roi, et lui arrache l’ordre de massacrer non seulement l’amiral, mais tous les chefs huguenots présents à Paris. Le Roi cède sous la pression. On sait le reste…
La position du cercle :
Très bien, nous dit-on. Mais vous omettez de signaler les lettres de Pie V dans lesquelles le pape exhorte Charles IX et Catherine de Médicis à exterminer les protestants français ! Ces lettres sont authentiques. On est au temps des guerres de religion et le pape conseille une politique vigoureuse, la guerre sainte contre les protestants.
Mais il ne s’agit nullement d’un massacre à organiser en plaine paix et par surprise. Il s’agit d’une lutte contre les gens armés en état de rébellion et non d’un guet-apens à tendre aux huguenots.
La Saint-Barthélemy n’a d’ailleurs été préméditée par personne, pas même par la reine-mère ; elle fut improvisée sous le coup de la panique qui s’empara de Catherine de Médicis, quant elle vit son attentat contre l’amiral Coligny éventé.
Encore, ajoute-t-on, ne pouvez vous nier que le clergé de Paris fit célébrer une messe d’action de grâce et que le pape Grégoire XIII fit chanter un Te Deum et frapper une médaille commémorative, adressa des félicitations à Charles IX et fit peindre une fresque où sont rappelés les évènements.
C’est exact.
Mais le clergé de Paris ne pouvait savoir dans quelles conditions le massacre avait été décidé. La cour présenta les faits comme si le Roi avait échappé à une conspiration. Il en fut de même pour Grégoire XII. Il ne connut que la version officielle que lui communiqua la cour de France / « Un attentat calviniste écrasé juste à temps. »
On peut trouver excessives les marques de joie données par le pape à cette nouvelle. Elles sont cependant, dans leur cause, aussi normales que les messages de félicitations échangés de nos jours entre entre gouvernants étrangers lorsque l’un d’eux échappe à un attentat…
Mais cela ne s’arrête pas là… Poursuivons par la projection d’un film de Georges Cravenne. Nous y verrons les « 3 Henri » , mais également « la Maison de Lorraine », « le duc du Maine plus communément appelé Mayenne », et les différents personnages qui joueront un rôle important dans cette période annonciatrice du règne de Henri IV.
(film à voir sous nos vidéos)
Ces déplorables et sanglantes représailles affligent la France sous les noms de guerre de religion, de la ligue, avec le massacre de la Saint Barthelemy .
Nous ne suivrons pas ces drames historiques dans l’exposition de leurs caractères particuliers, dans le développement de leur tristes et sanglantes péripéties. Pour expliquer comment on en est arrivé à cela, il nous faudrait remonter aux schismes antiques, à celui des dix tribus d’Israël qui, sous Roboam, fils de Salomon, 962 avant Jésus Christ, occasionna tant de malheurs…, à celui d’Orient, commencé en 858 par Photius, et consommé par le patriarche Cerularius, en 1054, dont le résultat fut la division de l’Eglise chrétienne en Eglise romaine et Eglise grecque….
Nous nous rappellerons seulement de celui qu’on nomme le Grand Schisme d’Occident, qui prit son origine à la mort de Grégoire XI…. Eclata vers 1378, par la double élection simultanée d’Urbain VI à Rome, et de Clément VII à Avignon,… amena la convocation des conciles de Pise, 1409, de Constance, 1415, de Bâle, 1431, et dura 71 ans…
Nous noterons seulement que le grand schisme d’occident, pendant lequel on vit jusqu’à trois papes à la fois, dont l’un des antipapes, l’intraitable Pierre de Lune, dit Benoit XIII, réduit dans son petit château de Peniscola, royaume de Valence, à deux cardinaux pour toute cour, anathématisait, excommuniait tous les jours, de ce manoir, ses compétiteurs et les souverains qui n’avaient pas voulu le reconnaître.
Nous noterons que ce schisme ouvrit pour ainsi dire la porte aux fatales doctrines de Luther, de Calvin, de tous ceux qui professèrent ou modifièrent ensuite leurs principes de manières à susciter ces terribles collisions que l’on vit ensanglanter le Maine…
Aujourd’hui, entrons dans cette province du Maine, d’après les plus authentiques documents, de plusieurs procès verbaux manuscrits du 31 aout au 13 novembre 1589, quelques jours avant la reddition de la ville du Mans au Roi Henri IV, et découvrons les noms, qualités, projets, actes, moyens défensifs de « ces infâmes, de ces fougueux, de ces forcenés ligueurs », alors attaqués par ce Roi dans la ville du Mans, qu’ils avaient mission de protéger…
Nous avons vu lors de notre dernière réunion, dans la série des grandes conjurations, la projection de la guerre des trois Henris (Henri III, Henri de Guise, Henri de Navarre futur Henri IV) et nous en étions restés à …
« Nobles représentants de la valeur, de la loyauté française, ne laissant aucun héritier direct au trône, je vous adjure de reconnaître, après moi, comme votre digne et légitime souverain, mon frère bien aimé, Henri de Bourbon, roi de Navarre, dont les excellentes qualités feront un bon chrétien et le modèle des rois »
Quelques heures plus tard, Henri III rendit le dernier soupir à l’âge de 38 ans.
Episode 1
Nous rappellerons que de 1560 à 1576, les protestants exigent qu’on leur fasse une position dans le royaume, avec la liberté de conscience et l’autorisation de leur culte
De 1576 0 1589, les catholiques effrayés de leur avancée et de voir à leur tête l’héritier présomptif de la couronne, les attaquent, les poursuivent avec opiniâtreté, quelquefois avec violences.
De 1589 à 1598, les catholiques eux-mêmes se divisent, forment deux partis : l’un pour le roi, dans l’espérance d’obtenir sa conversion, l’autre pour la Ligue, ses chefs n’ayant pas confiance dans les promesses de Henri IV, ou même avec l’espoir de le renverser du trône
LES FAITS :
LE MANS : En 1559, Henri Salvert, digne propagateur du calvinisme, vient de Tours au Mans.
Mettant à profit l’engouement ordinaire des Cenomans pour les étrangers, séduit plusieurs officiers principaux, des magistrats, des notables de cette ville par ses clandestines et captieuses prédications. Il prépare ainsi les voies d’un zélateur plus entreprenant, plus dangereux encore : d’un ami de Théodore Bèze, du réformateur Merlin, arrivé de La Rochelle…
Ce fanatique et chaleureux prédicant, débite ses grossiers discours et ses funestes impiétés trois fois par semaine, et deux fois par jour, publiquement sous les halles, (que nous avons vu lors de la visite du 18) entouré de sectateurs armés de hallebardes, pertuisanes, bâtons ferrés…au milieu d’une population mancelle attirée par la nouveauté du spectacle, par des déclamations, par des insinuations perfides mise à sa portée, flattant avec intention ses plus mauvais instincts. Il parodie les psaumes de David en burlesques vers français, administre le Baptême , célèbre la Cène, etc...
Cet espèce de tribun du calvinisme, dans toutes ses aspirations est escorté de 50 archers au moins.
Il nomme 16 ministres comme directeurs du consistoire que Salvert avait institué au Mans, en 1560, sous le titre « d’ Eglise réformée suivant l’Evangile »
MAMERS : puis il se rend à Mamers et dans plusieurs localités pour y propager sa doctrine
LAVAL : Il expédie le 29 novembre 1561, un ministre aux luthériens de Laval qui le réclamaient. Il devient chaque jour plus audacieux et plus téméraire. Il divise la province du Maine en sections calvinistes, admoneste publiquement les personnes opposées à la Réforme qu’il prescrit…
EVRON : Vers 1562, les Huguenots occupent Evron, se logent dans l’abbaye, qu’ils dévastent, font de l’église une écurie..
LE MANS : Le 3 avril de la même année, voulant se rendre maître du Mans, ils se rassemblent chez leur coreligionnaire Jean de Vignolles, lieutenant particulier, à l’Hôtel du Louvre, près le marché Saint Pierre. Il est convenu, pour éviter une collision nuisible au succès de leur projet, que ce Vignolles, et le calviniste Bouju, sieur de Verdigni, premier lieutenant criminel du Maine, se rendront chez Louyis Dagues, alors gardien des clefs de la ville sous le nom de connétable du Mans, pour s’emparer de ces clefs. Ce qu’ils firent avec d’autant plus de facilités, que sa femme était seule. Ils ferment les portes, y placent des gardes sous leurs ordres et pendant les 3 mois qu’ils occupent militairement la cité, pillent, démolissent, brulent surtout les couvents, les églises, qu’ils souillent de leur immoralités, brisent les statues des Saints, renversent les autels, profanent les tabernacles et les tombeaux, dérobent les vases sacrés, les ornements à leur merci…L’amour de l’or étant le principal mobile du plus grand nombre, commettent enfin tant d’immoralités, de vols, de brigandages, de crimes, d’atrocités, que vous pouvez retrouver dans les différentes chroniques de cette époque… Instruits de l’approche des troupes commandées par le Duc de Montpensier (Duc du Maine appelé à l’époque par le nom plus commun de Mayenne – chef de la Ligue après l’assassinat de Henri de Guise) et prévoyant le terrible mais juste châtiment que méritaient leur profanations et leurs méfaits de tout genre, les huguenots s’enfuirent du Mans le 11 juillet 1562, au nombre de 1500, presque tous armés…
BEAUMONT : A leur passage à Beaumont, ils massacrent les habitants les plus inoffensifs, pillent, incendient les églises, les halles…et gagnent la Normandie. Une partie s’embarque pour l’Angleterre, l’autre va tenir garnison à Vire. Ils s’y rendent odieux par les mêmes brigandages et lors de la prise de cette ville par les catholiques, ils sont tous passés au fil de l’épée… Si l’on désire apprécier d’une manière approximatives les dilapidations et les vols des protestants pendant cette funeste occupation de la capitale du Maine, il suffit de lire attentivement le procès verbal très détaillé du lieutenant général de la sénéchaussée de la Peovince M. Taron. (document daté de fin octobre 1562)
« Nobles représentants de la valeur, de la loyauté française, ne laissant aucun héritier direct au trône, je vous adjure de reconnaître, après moi, comme votre digne et légitime souverain, mon frère bien aimé, Henri de Bourbon, roi de Navarre, dont les excellentes qualités feront un bon chrétien et le modèle des rois »
Quelques heures plus tard, Henri III rendit le dernier soupir à l’âge de 38 ans.
« Le roi est mort, Vive le Roi » !
Episode 2
Royaume de France: Enfin nous sommes arrivés à ce 2 aout 1589, à cette phase mémorable de notre histoire où vont commencer les brillants exploits de notre Béarnais, où vont se préparer les grands évènements qui par droit de conquête et par droit de naissance, devaient nous donner le meilleur des rois, le digne et généreux Henri IV ; Il est necessaire de comprendre les obstacles que rencontre Henri IV. Le Royaume de France est épuisé d’impôts, de guerres civiles, de calamités… Divisé par les opinions politiques, religieuses, les intérêts divers… occupée dans sa capitale dans un grand nombre de ses principales villes, par cette ligue à laquelle se montrait le Duc de Mayenne, d’Aumale, etc…, ligue dont le feu dévorant se trouvait si violemment soufflé par les duchesses de Montpensier, de Guise,…enfin dont la base n’était alors que trop solidement établie sur la redoutable faction des Seize…
Que vivait le royaume de France à cette époque, et plus particulièrement la Province du Maine….
Dès que la ligue eut appris la mort de Henri III, qu’elle avait provoquée, dont elle attendait la nouvelle avec impatience, le premier de ses actes fut de proposer la couronne de France au Duc de Mayenne qui n’osa pas l’accepter, mais qui prit le titre de Lieutenant général du Royaume…
Le 7 aout 1589, il fit proclamer souverain , avec le nom de Charles X, le cardinal de Bourbon, alors prisonnier de son neveu le roi de Navarre, et se mit en mesure de poursuivre ce dernier à la tête d’une armée de 25000 hommes. Celle de Henri IV se montait au plus à 7000 hommes, et comme il se trouvait cerné près de Dieppe, on délibéra pour savoir s’il n’agirait pas sagement en passant en Angleterre pour y demander secours. Biron s’éleva aussitôt avec une noble indignation :
« Si vous allez au devant du secours des Anglais, Sire, ils reculeront… On propose à votre Majesté de quitter son royaume, et moi je soutiens que si vous n’étiez pas en France, il faudrait vaincre tous les obstacles pour vous y rendre…Dans l’état où vous êtes, Sire, sortir de France, seulement pour 24 heures, c’est s’en bannir pour jamais !... »
Soutenu par les éloquentes et prophétiques paroles du maréchal Henri IV l’écoute. Il commence avec discernement et persévérance à conquérir progressivement son royaume, province par province.
C’est alors que nous voyons ce valeureux souverain pénétrer dans notre province… Dès l’année 1588, des factieux dévoués aux Guises veulent entrer en armes dans l’évêché, pour y massacrer le seigneur de Maintenon qui commandait au Mans dans l’absence du gouverneur de cette ville, Philippe d’Angennes, Sieur de Fargis. Mais Charles d’Angennes, alors évêque du diocèse et frère du gouverneur, simplement revêtu d’un rochet et d’un camail, accompagné de ses deux aumoniers, se présentent courageusement en face des assassins furieux, les domine par l’ascendant de sa parole, de cette vertu chrétienne dont ils acceptent l’autorité sans même en comprendre le caractère. Quelques prêtres ligueurs se livrent seuls à des voies de fait sur ce digne évêque, dont la seule faute à leur yeux est d’être resté fidèle à son roi légitime. (1588 – Henri III est sur le trône)
LE MANS : Le 12 février 1589, les bouchers du Mans excitèrent dans la ville une violente révolte. Le gouverneur de Fargis y fut gravement blessé, puis ensuite enfermé à la Bastille… Ces rebelles étaient commandés par Urbain de Laval, de Bois Dauphin, mis en liberté par Henri IV…et qui pour l’en remercier prend le parti de la ligue dont les progrès étaient alors effrayants dans le Maine, et remplaça de Fargis au titre de gouverneur du Mans.
CHATEAU DU LOIR : Après avoir soumis une partie de la Touraine, du Vendômois, Henri IV arrive dans notre province le 26 novembre 1589. Il s’empare de Château du Loir, et,
YVRE L’EVEQUE : y couche le 27 novembre 1589.
LE MANS : Déjà par son ordre,, De Fargis, qu’il avait fait sortir de la Bastille, investissait Le Mans, et sommait Bois Dauphin d’en rouvrir les portes. Mais pour toute réponse, le nouveau gouverneur qui d’avance avait effectué le ravage des terres, incendié le faubourg de La Couture, fait brulé les plus belles maisons, incendié la campagne environnante et les alentours des fortifications, n’obtempéra pas. De Fargis arrêta le progrès de l’incendie, les barons de Chatillon et de Biron prirent le faubourg et le 28 novembre 1589, Henri IV s’y vient installer dans l’abbaye de la couture. Le 29, occupation des autres faubourgs, malgré le feu que l’implacable gouverneur venait également d’y faire mettre.
Henri IV passe 3 jours et 3 nuits au milieu des travaux du siège, qu’il dirige lui-même et le 2 décembre la grosse artillerie commence à battre les remparts. Bois Dauphin, effrayé des conséquences demande à parlementer et signe la capitulation dont Henri IV avait seul dicté les conditions…
Henri IV se contente pour toute réparation d’une somme de 27000 écus, employée à solder ses troupes, de la réintégration du sieur de Fargis dans son gouvernement du Maine, et de Claude d’Angennes, son frère, dans le diocèse du Mans qu’il occupait avant ces évènements.
Les habitants vinrent lui prêter serment de fidélité, plein de reconnaissance pour sa bienveillante modération et d’estime pour son courageux dévouement…
Pendant 5 jours qu’il passe au Mans, il reçoit la soumission des places principales de la Province du Maine : BALLON, BEAUMONT LE VICOMTE, SABLE, CHATEAU-GONTIER, MAYENNE, LAVAL, etc…
Episode 3
Cette période, la vie de ce roi, la vie des habitants de cette Province, est un appel à des « juges inconnus et désintéressées » que nous serons appelés à être pendant quelques semaines, et à qui il appartient d’aller chercher l’authenticité…
Des hommes éminents, acteurs ou spectateurs, dans ces grands drames, (je vous rappelle que nous traverserons les guerres de religions -et elles perdurent d’une certaine façon) viennent déposer de ce qu’ils ont fait ou vu de la scène du monde. Avant de quitter cette vie d’épreuve, leur conscience se recueille. Ils disent des vérités hardies sur les autres, ils laissent échapper des aveux précieux sur eux-mêmes. Les uns, désillusionnés des passions qui ont été leur mobile, racontent ingénument leurs faiblesses. Les autres persévérant dans leur rôles lorsque la pièce est jouée, se drapent de leur orgueil et meurent avec une grâce étudiée, comme les gladiateurs, pour arracher les applaudissements du cirque. Confessions ou apologies, diatribes ou justifications, l’Histoire enregistre tout. Ces documents lui appartiennent, elle les étudie et les compare. Elle se pénètre de leur substance, car ces opinions incohérentes et souvent prolixes, de ces préoccupations égoïstes et jalouses, elle sait tirer ses aperçus les plus vrais, ses jugements les plus impartiaux. Quelques fois même, au milieu des circonstances les plus futiles de la vie intime, elle découvre les causes premières de grands évènements.
AUSSI, LA CONDITION INDISPENSABLE DES MEMOIRES EST L’AUTHENTICITE
Personne je pense, plus que nous, n’apprécions le roman historique ramené aujourd’hui à une sévérité plus loyale dans les faits, et à une plus grande franchise dans les détails. Lui aussi exige de graves études et de laborieuses recherches, substitué à ces prétendus romans historiques du XVIIIème siècle. Mais ce qu’il y a de plus dangereux, c’est lorsque le roman historique sortant de sa sphère, se déguise sous la forme de « Mémoires » et qu’en exploitant l’intérêt qui se rattache à ce genre de document, on cherche à tromper le public par des allégations mensongères.
En juin 1593, le fameux arrêt de règlement du parlement de Paris dit arrêt Lemaistre ou « de la loi salique » rappellera avec force aux ligueurs l’inviolabilité de cette dernière15. Voilà qui annonce la dernière règle de dévolution spécifique — au sens strict — de la Couronne de France.
LA POSITION DU CERCLE : Toujours la LOI DE CATHOLICITÉ
Fait marquant : La crise successorale de 1584* (ce rappel ne nous fera pas de mal… !)
Cet ultime principe, la loi de catholicité, a été précisé dans les difficiles années du conflit politico-religieux de la fin du XVIe siècle.
En 1589, l’assassinat de Henri III ouvre une nouvelle crise de succession. Le successeur désigné par la coutume de masculinité et de collatéralité est le chef de la maison de Bourbon, qui descend de Robert de Clermont, sixième fils de Louis IX. Il est certain que Henri de Navarre aurait succédé sans obstacle s’il avait été catholique. Mais sa religion, depuis qu’il est successible — le duc d’Anjou, frère de Henri III, est mort en 1584 —, suscite de la part du parti catholique de la Ligue un revirement d’opinion sur la coutume de masculinité : ne doit-on pas renoncer à ce principe afin d’assurer la candidature d’un prince catholique ?
Poussé par des États généraux ligueurs, Henri III avait ajouté aux coutumes en vigueur une nouvelle — mais l’était-elle vraiment ? — loi fondamentale qu’il avait promulguée sponte sua avec l’assentiment des États pour lui donner un plus grand retentissement. C’est la loi de catholicité, exceptionnellement écrite et jurée dans l’édit d’Union de juillet 1588.
Dès la mort de Henri III, les ligueurs s’en autorisent pour proclamer roi, sous le nom de Charles X, le cardinal de Bourbon, oncle de Henri de Navarre et le plus proche collatéral du roi défunt après son neveu huguenot. Ce qui n’était encore qu’entorse grave à la loi salique devient bientôt violation flagrante au nom de la catholicité : au décès du prétendu Charles X en 1590, la Ligue, faisant fi de certains Bourbons catholiques mais alliés politiques de Henri de Navarre, entreprend de faire de la loi de catholicité la loi fondamentale par excellence. Elle présente la candidature de Claire-Isabelle, fille de Philippe II d’Espagne et petite-fille par sa mère de Henri II.
Et voilà la solution retenue…
Double violation de la coutume de masculinité, qui provoque la réaction du parlement de Paris. Aux termes de l’arrêt Lemaistre, rien ne peut être fait « au préjudice de la loi salique et autres lois fondamentales du royaume de France ». La réplique est d’autant plus forte qu’elle réaffirme dans ses débuts, et non moins nettement, la loi de catholicité. Le but de l’arrêt est politique. Il convient de rappeler le titre de Henri de Navarre à succéder, tout en l’invitant à abjurer la religion réformée. On sait que ce dernier franchit le pas en juillet 1593, son abjuration lui ralliant la majorité d’une opinion restée légitimiste.
L’arrêt Lemaistre est très révélateur de la conception qu’on se fait au XVIe siècle de la loi de catholicité, et par conséquent de son rang dans le corpus des lois fondamentales. Consacrée par l’abjuration de Henri IV, la règle avait vu ses bases dégagées par les États de Blois de 1577 et 1588.
Evoquons ces États de Blois de 1577 et 1588 qui rappellent la loi :
Dès 1577, alors que la situation n’offrait aucune urgence, Henri III étant marié depuis peu et ayant un successible en la personne de son frère le duc d’Anjou, les États signalent à Henri de Navarre que la religion catholique n’est point seulement l’ancienne coutume, mais la principale et fondamentale loi du royaume.
Les députés fournissent une juste analyse de la Loi fondamentale : une coutume qui s’induit de l’état moral et de la pratique religieuse du royaume depuis toujours. Une coutume originaire, en quelque sorte, indissociable des origines sacrées de la royauté française.
Les États de 1588 ne proclament pas une loi nouvelle mais une règle latente depuis le baptême de Clovis et chaque fois rappelée, depuis les Carolingiens, dans la cérémonie du sacre (cérémonie qui certes n’est pas constitutive du pouvoir royal, mais qui en définit assez l’esprit)17.
Encore une fois, il ne s’agit, à l’occasion d’une difficulté pratique, que de réaffirmer officiellement un principe menacé. La loi de catholicité, dans ces conditions, ne peut être considérée comme un appendice circonstanciel : elle est une règle prenant rang parmi les lois fondamentales de la Couronne. Mais quel rang ? La réponse des ligueurs est connue : cette règle est la norme supérieure à toute autre.
L’arrêt Lemaistre précise les rapports entre loi de catholicité et loi salique
L’arrêt Lemaistre clôt cette interprétation forcée. Les rapports entre la loi de catholicité et la loi salique ne sont pas d’ordre conflictuel ou hiérarchique ; en mentionnant l’une et l’autre sans établir de primauté, il les considère comme également nécessaires et complémentaires.
– La loi salique traduit la nature profonde, le mouvement intérieur propre à l’exercice de la fonction royale,
– la loi de catholicité exprimant pour sa part une exigence postulée par la source divine du pouvoir.
En d’autres termes, à l’égard de la succession à la Couronne, elles ont entre elles une relation de consubstantialité. Le conflit entre masculinité et catholicité, plutôt que traduire une situation de non-droit tranchée par les circonstances, offre l’unique occasion de saisir sur le vif l’étroite connexité entre les diverses lois fondamentales.
Sans nier le réalisme politique de Henri IV, c’est vraisemblablement ce que lui-même ou son entourage a compris. Avant son abjuration, Henri IV n’en était pas moins le successeur légitime, même si la loi de catholicité lui interdisait d’être le roi légitime. À supposer que le Béarnais eût persévéré dans sa foi, la loi salique suffisait à interdire toute désignation d’un autre successeur. Cette situation aurait simplement rendu nécessaire l’établissement d’une régence d’attente — ou d’absence —, solution nullement exceptionnelle même si elle n’était pas sans inconvénients.
Bref, la loi de succession désigne le roi de droit, mais celui-ci ne peut devenir roi d’exercice que sous condition suspensive de sa catholicité. Pour dire autrement,
J’évoquais il y a quelques instants les guerres religieuses. Où en était le deuxième ordre en France…
La requête du clergé aux États généraux de Blois était claire
C’est dans ce grand courant, bouleversé par les guerres religieuses, que, le 18 février 1576, aux États généraux de Blois, l’archevêque de Vienne (Pierre de Villars) et celui de Lyon (Pierre d’Epinac), avec l’évêque de Paris (Pierre de Gondi) proposèrent d’accepter la publication du concile de Trente avec réserves des libertés de l’Église gallicane que l’on demanderait au Pape de confirmer. La discussion s’acheva et l’on proposa la résolution de demander au Roi la publication du concile de Trente, hormis ce qui serait préjudiciable aux libertés de l’Église gallicane et avec réserve des privilèges, des exemptions et des franchises ; d’autre part le Pape serait humblement prié d’accorder ces atténuations (23 décembre 1576).
On notera que beaucoup confondent les revendications des libertés de l’Église gallicane avec le cumul des bénéfices ; après avoir remarqué que le cumul des bénéfices était commun à toute l’Église romaine, on comprendra que pour les petits bénéficiers, ce cumul ne servait qu’à leur assurer une vie décente, et c’est en pensant à ces pauvres que l’on exigeait une contrepartie.
Aucun des deux camps, ce jour-là, n’emporta la majorité et l’on ne s’accorda que le surlendemain sur la proposition suivante :
Les ecclésiastiques reconnaissent que pour apaiser l’ire de Dieu, la réformation doit commencer à leur état, qui doit être comme la lumière tant pour conduire leur troupeau par la droite voie que pour ramener à la bergerie ceux qui par schisme et hérésie s’en sont dévoyés ; et pour y parvenir, leur semble n’y avoir meilleur et plus prompt moyen que de suivre et garder les saints décrets et constitutions du dernier sacré concile de Trente, auquel, selon la multiplicité des abus qui de toutes parts y ont été proposés, y a saintement été pourvu de remèdes convenables.
Partant, ils supplient très humblement Votre Majesté de faire publier et inviolablement garder en ce royaume, sans préjudice toutefois des libertés de l’Église gallicane et des exemptions de juridiction et autres privilèges des Chapitres des églises cathédrales et collégiales, et autres personnes ecclésiastiques de ce royaume, dont ils jouissent à présent, comme aussi des grâces et dispenses ci-devant obtenues, attendu même que ledit concile a été assemblé à l’instance et réquisitoire des Rois vos prédécesseurs, et des autres princes chrétiens, qui ont comparus par leurs Ambassadeurs, et y ont fait soumission comme vrais enfants de l’Église, protecteurs d’icelle, et exécuteurs de ses saints décrets.
Pour l’établissement de la discipline ecclésiastique et exécution dudit concile, les conciles provinciaux seront tenus dans un an au plus tard, et puis après de trois ans en trois ans, par les archevêques et diocèses de leurs provinces, selon la disposition dudit concile. Et afin que les règlements qui y seront faits ne demeurent illusoires et sans effets, sera inhibé à tous juges laïques de s’entremettre ou de connaître sur lesdits conciles provinciaux, aussi tenir la main à l’exécution d’iceux de point en point quand ils en seront requis, comme au propre édit et ordonnance du Roi, sans restriction ni déclarations, ni modifications quelconques.
Les choses n’ayant guère avancé, lorsque l’Assemblée de Melun se réunit (de juin à septembre 1579) sous les archevêques de Lyon (Pierre de l’Épinac) et de Bordeaux (Antoine Prévost de Sansac), elle décida de présenter à nouveau la requête faite par le Clergé au Roi lors des États de Blois, ce qui fut fait, les 3 et 19 juillet 1579 par l’évêque de Bazas (Arnaud de Pontac) ; l’assemblée du Clergé continua de siéger, mais à Paris (du 30 septembre 1589 au 1er mars 1580).
La décision d’Henri III
Pris entre les vœux de son clergé et ceux de ses conseillers et des parlementaires, sous la menace huguenote, Henri III ne pouvait guère publier le concile de Trente, mais, pressentant les bienfaits de la réformation, il fit, en réponse aux cahiers des États de Blois, enregistrer par le Parlement une ordonnance de soixante-six articles pour réglementer la discipline ecclésiastique dans son royaume, sans que Rome pût s’en offusquer (25 janvier 1580), ce que pourtant elle fit.
L’Ordonnance de Blois (mai 1579), ainsi intitulée parce qu’elle répond aux cahiers des États de 1576, comprend, parmi ses trois cent soixante-trois articles, des dispositions de discipline ecclésiastique, généralement droit issues du concile de Trente, mais rendues compatibles avec les usages du royaume.
Dans l’ensemble des diocèses français, les décrets conciliaires sont reçus en tout ce qui concerne la doctrine et l’œuvre pastorale. Ainsi, l’Église gallicane, sans rien perdre de ses libertés, intègre à ses traditions pastorales et spirituelles les acquis de la réforme tridentine, les fait siens et leur communique son génie propre qui, à travers la formation du clergé selon les normes de l’École française de spiritualité, touchera toute l’Église catholique.
L’Édit de Nantes et la fin de l’expansion protestante
L’abjuration d’Henri IV arrête définitivement la possibilité d’expansion du protestantisme en France et, claquemurant les calvinistes dans les places de sûreté, l’Édit de Nantes41 en fait une minorité de droit particulier. Cependant, si l’Église catholique sort vainqueur du conflit, elle accuse de terribles pertes humaines et matérielles dont les ruines immobilières resteront longtemps le symbole42. Les guerres de religion ont ébranlé la conscience religieuse de nombreuses régions où les paroisses sont souvent régies par des clercs ignorants et parfois scandaleux, incapables d’enrayer un retour à une sorte de paganisme superstitieux et sauvage ; simultanément, sous les apparences du conformisme, s’épanouissent le scepticisme et l’indifférence, voire le refus de toute religion. Or, au cœur même de la tourmente, se sont formés les ouvriers de la réforme qui, au pas du concile de Trente, se jettent à l’assaut de cette société désabusée et démoralisée.
Les difficultés de Henri IV
D’aucuns font grief à Henri IV de n’avoir pas publié le concile de Trente comme il s’y était engagé lors de son absolution ; c’est un mauvais procès, car si le Roi s’y étant engagé, la cédule pénitentielle que lui accorda Clément VIII disait simplement :
fasse que le concile de Trente soit publié et observé par tous, exceptant cependant, ce que nous accordons à votre très instante supplication et prière, les points, s’il y en a, qui vraiment ne pourraient être observés sans que la tranquillité du royaume en fût troublée.
Certes, Clément VIII attendait de son légat43 qu’il fît presser la publication, mais, plus soucieux de l’esprit que de la lettre, il lui demandait avant tout d’œuvrer à son application ;
Il suffit, disait le légat, que chaque jour on fasse un petit progrès, que l’autorité du Pape se fortifie, et que la foi catholique augmente.
Aux délégués de l’Assemblée générale du Clergé de 1595-159644 qui lui demandaient la publication du concile, Henri IV dit reconnaître le bienfondé de leur requête mais leur représenta l’urgence d’être assisté et secouru de plusieurs qui pourraient être offensés de ces règlements ; et c’est encore le Nonce, en parfait accord avec le Pape, qui tempère l’ardeur des évêques.
Le Roi dit un jour au légat qui lui rappelait la publication du concile :
Si j’ai promis, c’est pour tenir. Mais l’affaire est de conséquence et mes prédécesseurs, quand ils ont voulu y mettre la main, y ont toujours échoué. Si je voulais aller trop vite, le même sort m’attendrait.
Cependant il obtint que les évêques nommés par des brevets royaux perdissent leurs droits si les bulles n’arrivaient pas dans le délai déterminé (1597).
Un roi de bonne volonté
Alexandre de Médicis quitta la France (1600) et son successeur45, ayant reçu la mission de faire publier le concile de Trente, représenta au Roi que, s’il ne le faisait pas, son absolution deviendrait nulle. Or, comme son prédécesseur, il comprit que si Henri IV avait bonne intention, il craignait encore pour la paix publique aussi, pour ménager un terrain favorable à la publication, il s’ingénia à sauvegarder les exceptions octroyées par la bulle d’absolution où il comprit les édits de tolérance, ce qui fit tomber l’opposition des protestants du Conseil qui signa et scella la minute d’édit pour la publication du concile de Trente. Comme il fallait s’y attendre, le Parlement refusa d’enregistrer l’édit et le Roi, craignant une nouvelle guerre avec l’Espagne, prit le parti d’attendre.
Clément VIII mourut, le nouveau pape, Paul V, envoya Maffeo Barberini46 en France où l’Assemblée générale du Clergé, en 1605, renouvela encore ses instances, mais la situation étant toujours aussi dangereuse, malgré l’efficace concours des cardinaux de Joyeuse, de Gondi et de Sourdis, et du R.P. Coton, le confesseur d’Henri IV, il n’eut pas davantage de succès.
L’assassinat d’Henri IV mit provisoirement fin aux espoirs pontificaux et, à part une intervention de François Péricard47 au nom de l’Assemblée générale du Clergé de 1610, les désordres de la Régence ne permirent pas de faire plus en faveur de la publication des décrets du concile de Trente.